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lundi 30 juillet 2012

D'une île à l'autre

le "dos de la baleine"

Tout part de là : de l'Ile Saint-Pierre que Stephan Eicher a visitée par intermittence depuis l'enfance. Voulant se rapprocher de Jean-Jacques Rousseau qui a séjourné sur l'île en 1765, il décide de venir à Genève se promener, comme il l'explique en ces termes :

"Afin de me rapprocher un peu plus du philosophe genevois, je suis allé visiter la vieille ville de Genève, la maison natale de Rousseau, les ruelles, les escaliers, les passages, les places…
 Lors de ces promenades, j’ai découvert un hasard troublant. J’aimerais vous emmener en promenade et vous parler de ce hasard…

Suivez moi… "



La Promenade Rêveries pourrait aussi se nommer D'une île à l'autre, ou quand un musicien rencontre un philosophe... Pour suivre Stephan Eicher pas à pas, il vous faut deux heures devant vous (ou davantage), un mp3 ou tout autre appareil sur lequel vous aurez au préalablement télécharger l'audio-guide, puis vous rendre sur le Pont de la Machine, point de départ de la promenade, juste en face de l'Ile Rousseau. Ensuite, le pourtour de la Vieille-Ville se métamorphosera en Ile Saint-Pierre... 




Première pause à l'extrémité de la Rue Calvin, confinée entre l'eau et les arbres, la lecture nous célèbre la jouissance procurée par le "far niente" de Rousseau lors de ces deux mois passés sur l'Ile Saint-Pierre :

De toutes les habitations où j’ai demeuré (et j’en ai eu de charmantes), aucune ne m’a rendu si véritablement heureux et ne m’a laissé de si tendres regrets que l’Isle de St Pierre au milieu du lac de Bienne. Cette petite Isle qu’on appelle à Neufchatel l’Isle de la Motte, est bien peu connue, même en Suisse [...]. Quel étoit donc ce bonheur et en quoi consistoit sa jouissance? Je le donnerois à deviner à tous les hommes de ce siécle sur la description de la vie que j’y menois. Le précieux far niente fut la premiére et la principale de ces jouissances que je voulus savourer dans toute sa douceur, et tout ce que je fis durant mon séjour ne fut en effet que l’occupation délicieuse et nécessaire d’un homme qui s’est dévoué à l’oisiveté.


Milieu de journée, Terrasse Agrippa d'Aubigné, le soleil tape pour la deuxième halte de lecture qui nous fait part des premières ferveurs de Rousseau consacrées à la botanique !
   
Musicalement, la promenade s'articule entre texte et musique ou plutôt entre texte, musique et botanique. Stephan Eicher a travaillé le son afin de lui attribuer "le centre de l'expression"... du "rien" au détour d'une ruelle... aux sons de la nature, comme  une sorte de continuation de l'Herbier de Rousseau, resté inachevé...





On poursuit, plus tard, par une incursion dans le Musée d'Art et d'Histoire pendant l'orage: portrait du philosophe et la salle consacrée aux Quatre saisons d'Alexandre Calame sont les arrêts obligés.


Bien sûr, reste le moment-phare où seul face à la Cathédrale, sur les pavés brûlants, on ouvre grand les bras et l'on se met à tourner, tourner, danser les yeux fermés, "S'il vous plaît, faites-moi plaisir, faites-le pour moi"  dit-il ! Et on obéit...!

Bonne découverte sur "l'Île Saint-Pierre" de Eicher et que votre promenade se renouvelle au rythme des saisons... 

Pour les mélomanes intéressés par Rousseau musicien, de nombreuses manifestations seront programmées dès l'automne.

Disponibilité (Rêveries d'un promeneur solitaire)
Disponibilité (en version enregistrée) 
Plan de la promenade

La lecture de la cinquième promenade est faite par Laurent Burgisser, botaniste

Muriel

jeudi 26 juillet 2012

Mozart 3ème génération

Dans la famille Mozart, je demande le petit-fils.

Franz Xaver Wolfgang Mozart (1791-1844), connu de son vivant sous le nom de "W.A. Mozart fils", apprend le piano puis la composition. Il se perfectionne au piano avec Johann Nepomuk Hummel et prend des leçons de théorie entre autres avec... Antonio Salieri. En 1808, le benjamin de Mozart quitte sa ville natale de Vienne pour la Galicie (région à cheval entre la Pologne et l'Ukraine actuelles). En 1813, il s'installe à Lemberg (aujourd'hui L'viv) et y reste environ 25 ans. Il passe les dernières années de sa vie à Vienne. Durant sa carrière, il sera à la fois professeur de piano, concertiste, directeur de choeur.

Contrairement à son père, Franz Xaver n'apprit jamais à jouer d'un deuxième instrument, ce qui explique probablement pourquoi il composa presque exclusivement pour le piano et la voix. Jusqu'en 1843, il publie en tout trente oeuvres ou recueils avec numéro d'opus.

FXW Mozart et son frère aîné Karl Thomas, 
les deux seuls parmi les six enfants Mozart
 à avoir survécu passée la petite enfance

Précoce
Comme son père, Franz Xaver commence très tôt la musique, sans doute déjà en 1795 à l'âge de 4 ans. Selon sa mère Constanze, son fils de 11 ans lui "compose des petites sonates et variations pour mes jours de fête".

Comme certains l'ont écrit : "Le fils d'un homme émérite et très célèbre subit généralement le poids des mérites et de la célébrité de son père, surtout s'il a choisi le même terrain d'activité (...) ; nombreux sont ceux qui attendent qu'il se distingue de la même manière, voire même qu'il reprenne le flambeau là où son père l'a laissé". Cependant, Mozart ne semble pas du tout avoir eu l'intention de suivre pas à pas les traces de son père. Par exemple dans sa sonate op. 10, des détails de technique compositionnelle, un plan en quatre mouvements ou une structure cyclique lui font prendre des distances avec les sonates du paternel.

Sämtliche Werke
La bibliothèque vient d'acquérir les deux volumes des oeuvres complètes pour piano de Franz Xaver Wolfgang Mozart. Les éditions Henle publient ici pour la première fois l'intégralité des oeuvres pour piano qui nous sont parvenues, dont des oeuvres inédites. Sont comprises dans ces deux volumes, des variations, des polonaises, des danses, des pièces isolées et les cadences destinées aux concertos de son père.


Polonaise mélancolique e-moll op. 17,2 

Vous mettrez bien un peu de Franz Xaver à votre prochain programme musical pour changer du traditionnel Wolfgang Amadeus ?


Fabienne


lundi 23 juillet 2012

Lecture estivale (2)

 cop. J.P. Guilloteau/L'Express

Jonathan Coe, écrivain et nouvelliste britannique a un rapport privilégié avec la musique*. Musicien de rock, il est féru de cinéma et même reconnu comme tel en participant à des jurys internationaux de festivals de films (Venise, Edinbourgh).

Version originale, une des quatre nouvelles de Désaccords imparfaits, sortie ce printemps en français, entremêle ces deux thèmes puisque le héros William est compositeur de musique de films oeuvrant comme membre d'un jury pour un festival de films d'horreur en France. On sent le vécu de Jonathan Coe et on se régale...

"A l'heure où je vous parle, lui disait-elle, pas moyen d'être sûre qu'ils vont publier cet article, et vous savez, c'est contrariant pour vous, qui avez bien voulu m'accorder cet entretien, mais ça l'est aussi pour moi ; c'est vraiment beaucoup de travail de transcrire tout ça et de le rédiger ensuite, pour s'entendre dire qu'il s ne sont pas preneurs, finalement.
William lui adressa son sourire d'autodérision si bien rodé et lui dit : "Vous allez me faire regretter de n'être pas plus célèbre ; je suis sûr que si vous aviez interviewé Jerry Goldsmith ou bien Michael Nyman...
 - Non, pas du tout. Je vous assure que vos musiques de film sont très connues en France. Elles ont beaucoup de succès. Non, c'est simplement que..." Elle secoua la tête, les yeux dans le vague, d'un air mélancolique. "On ne sait jamais sur quel pied danser avec ces gens, ils vous disent ceci en pensant cela.
 J'aurais plaisir à parler avec vous, avec ou sans article à la clé."
Désaccords imparfaits, p. 57-58, Ed. Gallimard, 2012
* Dans son studio de Chelsea, une table pour écrire, et deux guitares et un piano lui tiennent compagnie.

Disponibilité
Disponibilité (musique de film)
Muriel

jeudi 19 juillet 2012

Lecture estivale (1)




"Ma chérrie, chanter c'est comme la vie, il y a des contradictions. Il faut de la douceur et de la force, il faut le corps mais il faut l'âme, sinon ce n'est qu'une farce. Vous avez la beauté intérieure, ma chérrie, l'âme, la sincérité qui manquent à tant de chanteurs, et la richesse du timbre, et la profondeur du son, vous êtes bénie des dieux, vous avez tout !, Sauf - Mme Volk fit une pause - un peu de patience ! Vous avez une voix : laissez-lui le temps de grandir ! Ecoutez votre corps ! Aimez-le, soyez douce avec lui. Allez, on reprend. Ouvrez les côtes, allez plus bas que le diaphragme, là, comme cela, vous donnez de la puissance à votre voix et vous deviendrez vraiment une "grande soprano", ma chérrie, grande par la voix et grande par la gloire. Recommencez depuis le début.
Elle retourna au piano. Tatiana s'exécuta, reprit tout l'air et le conclut à la perfection par le morir en sol dièse qu'elle rendit piquant comme deux banderilles.
 Heidi Volk ôta lentement ses lunettes, puis regarda en direction d'Armand.
 - Elle est prête pour le Concours*.
Armand regardait Tatiana et ne répondit pas.
Heidi Volk reprit :
- Musetta** est trop souvent chantée comme un rôle de cocotte. Tatiana lui rend son humanité. Elle m'a émue.
Elle resta un instant pensive.
- Mais une carrière ne s'arrête pas à un concours. Merci mille fois d'être venu assister à la leçon, Armand, vous voyez, on avance.
- C'est moi qui vous remercie.
Armand et Tatiana descendirent en silence l'escalier qui menait au foyer du rez-de-chaussée, puis les marches extérieures qui donnaient sur la place Neuve. Armand tendit la main et dit : "C'était magnifique", n'attendit aucune réponse et partit très vite vers le boulevard du Théâtre. Il emprunta la passage piéton, omit de regarder sur sa droite, et un motocycliste l'évita de justesse. Tatiana le vit s'éloigner ; il courait presque. Elle rangea ses partitions dans son sac, en ajusta la bandoulière et se dirigea vers la Treille.
Victoria Hall, p. 136-137, Actes Sud (Babel, no. 726) 

Le roman a pour décor tout ce qui entoure la bibliothèque musicale : la prestigieuse salle du Victoria Hall, le Concours de Genève, la Place Neuve, la Treille... Metin Arditi par l'entremise de deux personnages - Armand, riche banquier privé, collectionneur et Tatiana, jeune soprano tchèque, fille d'un antiquaire à Prague - dresse le portrait de sa ville d'adoption avec pour trame de fond la musique.

Laissez-vous emmener dans ce Victoria Hall littéraire, où les allusions musicales et géographiques vous étonneront !
* référence au Concours de Genève dont le chant est la discipline présente tous les deux ans
** rôle de soprano dans l'opéra La Bohême de Giacomo Puccini, air : Quando m'en vo'

Muriel

lundi 16 juillet 2012

Les moutons de Panurge

Au quotidien, nous voyons bon nombre de partitions, en les cataloguant, les prêtant, etc. Beaucoup passent plus ou moins inaperçues : des sonates pour piano de Beethozart, des Lieder de Schuwolf, etc.

En revanche, quand vous tombez sur ceci, vous commencez à vous poser des questions, à devenir curieux en essayant de comprendre comment cela peut bien s'interpréter.


Mouton de Panurge

L'expression « mouton de Panurge » désigne un suiveur : une personne qui imite sans se poser de questions, qui suit instinctivement ce que fait le plus grand nombre et se fond dans un mouvement collectif sans exercer son esprit critique ni seulement faire preuve de l'intelligence qu'on peut espérer d'un être humain sinon d'un mouton.

Frederic Rzewski s'est sans doute inspiré de cette expression pour écrire ses "Moutons de Panurge" en 1969. Dans les grandes lignes, voici comment il propose d'interpréter cette pièce destinée à n'importe quelle quantité de musiciens jouant d'un instrument mélodique, plus n'importe quelle quantité de non-musiciens jouant n'importe quoi :

Pour les musiciens :
- jouer à l'unisson, en accélérant, toujours fortissimo
- jouer ainsi les notes numérotées de 1 à 65 : 1, 1-2, 1-2-3, 1-2-3-4, etc.
- quand on arrive à la note 65, recommencer en soustrayant une note : 2-3-4...65, 3-4-5...65, ... 64-65, 65
- tenir la dernière note jusqu'à ce que tous les musiciens y soient arrivés
- finir en improvisant sur la dernière note
- jouer ensemble aussi longtemps que possible. Si on se perd, rester perdu et continuer à jouer sans rejoindre les autres.

Pour les non-musiciens (le public par ex.) :
- faire du bruit, de préférence très fort, avec des instruments percutants ou autres
- un leader donne le rythme. Une fois celui-ci établi, des variations sont possibles.

La partition ne comporte donc que 65 notes mais la durée de son interprétation est beaucoup plus longue : elle peut facilement atteindre une vingtaine de minutes comme le montre cet exemple :


1ère partie des "Moutons de Panurge"
 
Frederic Rzewski
Frederic Rzewski est pianiste, pédagogue et compositeur américain d'origine polonaise né en 1938. Après des études aux Etats-Unis, il travaille à Florence puis à Berlin grâce à des bourses. Plus tard, à Rome, il fonde avec d'autres musiciens futuristes la Musica Elettronica Viva. En 1977, il devient professeur de composition au Conservatoire de Liège.

Comme compositeur, il poursuit la vision chatoyante et lointaine de l'antimusique optimiste et positiviste. Rzewski est en outre un robuste technicien du piano, capable de déposer des quantités énormes de matériel sonore sur le clavier sans vraiment démolir l'instrument. (Dictionnaire biographique des musiciens / Theodore Baker, Nicolas Slonimsky)

On trouve quelques-unes de ses partitions en ligne.

A quand cette oeuvre dans votre programme de concert ?



Fabienne

lundi 2 juillet 2012

Astor Piazzolla : 1921-1992

Astor Pantaléon Piazzolla est né le 11 mars 1921 en Argentine à Mar del Plata, un port de pêche à 420 km au sud de Buenos Aires. Il passe une partie de son enfance à New York (1925-1936). Dès l'âge de 8 ans, il commence à apprendre le bandonéon que son père, Vicente Piazzolla (Nonino), lui a acheté.
Lorsqu'il revient en Argentine, il joue avec différents ensembles de tango avant de se joindre à l'orchestre d'Anibal Troilo, célèbre tanguero, considéré comme maître du bandonéon. A partir de 1944, il accompagne le chanteur Francisco Florentino, puis dirige son propre orchestre en 1946 et commence ses études de composition avec Alberto Ginastera.


Petit à petit, alors que ses arrangements sont jugés peu conventionnels et trop complexes, il se détourne du tango et de sa carrière de musicien professionnel pour composer des œuvres symphoniques, qu'il présente à un concours à Buenos Aires en 1949. Il gagne alors un prix qui lui permet de poursuivre ses études musicales en France. Bien qu'il pense être destiné à la musique classique, c'est grâce à la clairvoyance de Nadia Boulanger en 1954 qu'il reviendra à la composition de tangos, auxquels il se consacrera définitivement. De retour en Argentine, puis à New York, il crée un tango innovant, loin de celui de l'orchestre typique, sans chanteur ni danseurs, qu'il joue debout, un pied sur une chaise: le tango nuevo.

En 1968, sa collaboration avec Horacio Ferrer lui fait reconsidérer le tango canción qui lui apporte une certaine popularité avec la composition de Balada para un loco chanté par Amelita Baltar. Ils écrivent également ensemble l'opérette Maria de Buenos Aires qui ne remporte aucun succès…

Yo soy Maria, tiré de Maria de Buenos Aires,
à l'Opéra de Gand

Durant sa carrière, Piazzolla crée plusieurs ensembles, dont le « Quinteto Tango Nuevo » (piano, contrebasse, guitare électrique, violon et bandonéon).
Après une attaque cérébrale en 1990 dont il ne se remettra pas, Astor Pantaléon Piazzolla meurt le 4 juillet 1992 à Buenos Aires, il y a tout juste 20 ans.

Piazzolla et Genève

Genève aura été la dernière étape des concerts de Piazzolla en tant que chef d’ensemble. Il a en effet annoncé au Victoria Hall à la fin du concert du 5 novembre 1989, organisé par la Ville de Genève dans le cadre des concerts du dimanche, qu’il n’y aurait plus de sextuor, ni de quintette ni d’orchestre Piazzolla. Fatigué des tournées et de leurs nombreux inconvénients, il a décidé de se consacrer à la composition et à la création d’un opéra sur la vie du grand chanteur de tangos Carlos Gardel, œuvre jamais achevée. Il continuera néanmoins des tournées mais en tant que soliste accompagnant des orchestres classiques interprétant ses concertos et ses pièces orchestrales.

En savoir plus

Il vous reste encore quelques jours, jusqu'au 13 juillet 2012, pour venir visiter notre exposition "Tango apasionado". Vous ferez connaissance avec les plus célèbres tangueros, vous découvrirez les particularités du bandonéon ou vous écouterez un choix de tango depuis notre poste d'écoute de la Phonothèque nationale.

Disponibilité des partitions d'Astor Piazzolla
Fabienne